Les arts contemplatifs au théâtre

LES ARTS CONTEMPLATIFS ET LES ARTS DE LA SCENE

– En quoi les arts contemplatifs peuvent répondre à un désir de sérénité et de créativité?

Les arts contemplatifs sont au service de l’art de se mettre à l’aise, là où nous sommes, tels que nous sommes. Que nous soyons débutant ou expérimenté, les arts contemplatifs favorisent la détente et la créativité, lorsqu’ils sont basés sur une structure, une connaissance des principes.

Le principe de base est le silence et son besoin naturel d’expression. Si ce silence trouve en nous sa place, c’est la sérénité, et une expression vaste, ludique et joyeuse peut alors s’écouler de nous sans effort. Les arts contemplatifs sont une voie vers le non-effort absolu, avec une présence aux sens et à notre environnement plus précise et plus spacieuse. D’ordinaire, je m’aperçois que nous passons notre temps à écouter, regarder ou toucher le monde dans lequel nous vivons sans présence, sans attention. Les arts contemplatifs sont à notre service pour retrouver l’étonnement d’être. Sans se soucier du regard des autres, c’est ce qui distingue les arts contemplatifs des arts de la scène, ils sont cependant dirigés l’un vers l’autre.

– En quoi le théâtre ou la danse sont-ils des arts contemplatifs ?

Les arts de la scène trouvent leur beauté et leur éloquence dans une présence au silence. J’entends par silence notre base fondamentale, et notre besoin d’expression. Le goût de regarder un coucher de soleil nous pousse à vouloir le peindre, le photographier, ou en faire un poème, il peut aussi nous pousser à en trouver la danse intime ou le geste secret. J’ai toujours eu cette sensation qu’une expression juste, harmonieuse, et qui peut être perçue par d’autres sur la scène, ne peut trouver son accomplissement que dans une sérénité, c’est-à-dire une absorption dans le silence ouvert. Les stages que je propose abordent les deux aspects de l’être sensitif que nous sommes. Il faut parfois aller dans l’extrême de l’expression, l’outrance ou le grotesque, pour qu’à un moment, de manière naturelle, tout se relâche, et alors la contemplation dynamique peut avoir lieu. Les exercices que je propose servent à favoriser l’éclosion de cette présence chez chacun, quel que soit l’âge ou l’aptitude. Certains exercices que je ne peux révéler ici sont vraiment des sortes de ponts, qu’il s’agit de traverser, pour avoir accès à d’étonnantes trouvailles sur nos possibilités. J’ai appris au fil de ma formation des méthodes, parfois toutes simples, mais élaborées patiemment par des maitres en la matière, pour rendre fluide ce qui ne l’était pas, pour rendre accessible un éventail de sensations en nous-mêmes, certains exercices sont des perles pour notre richesse.

– Je n’ai jamais été sur scène et à l’idée d’être vu, j’ai le trac. Est-ce que vos stages peuvent favoriser une confiance face à cet inconnu?

Cela fait partie de mes priorités, de rendre facile ce qui semble être difficile, à savoir le fait d’être sans prétention, sans intention qui ne soit au service du meilleur de vous. La scène, ou plus précisément l’espace vide peut parfois faire peur, car nous voilà sans masque, sans lieu où se cacher, nous sommes visibles, alors cela demande une attention et de l’écoute avant tout. Certains méthodes, notamment venant d’outre atlantique vont un peu en force et peuvent heurter ceux qui ne sont pas prêts. Je préfère aborder ces méthodes pour ceux qui ont déjà une confiance de base, mais même pour ceux là, l’art de l’écoute et l’approche des arts contemplatifs est nécessaire, car elle favorise justement une confiance fondamentale qui vous servira une fois sur scène. Il existe en effet un grand nombre d’exercices, que j’ai moi-même pratiqué, qui viennent chercher en nous de nouvelles manières de répondre à notre environnement. Cela dit, mon approche est d’abord artistique, et n’est pas un art-thérapie, car selon moi, l’art lorsqu’il est abordé de manière juste, favorise de manière naturelle un épanouissement de l’être, et c’est cela qui m’anime.

-Les arts contemplatifs sont une forme de méditation?

-Oui, une méditation dynamique, comme pour la danse ou le mime. Car il est bon de se rappeler que la méditation est un état d’être qui peut s’épanouir à chaque instant. D’ailleurs l’un des enseignements que j’ai reçu sur la manière de se relier à un objet, par le regard tout d’abord, puis par le toucher de surface ensuite, avant enfin de se saisir de l’objet fût une grande aide, et certains exercices sont faits pour que nous prenions conscience de ce que nous faisons tous les jours sans nous en apercevoir, comme dans un sommeil, et rendre cet acte, voir et saisir un objet, comme une forme de rituel sacré de l’ordinaire. Un simple exercice structuré ainsi, voir, toucher, prendre, et donner, se révèle très utile pour ceux qui aiment la scène, car en Occident cette approche contemplative et précise, est très peu abordée. Il m’a fallu faire la découverte de la voie orientale de l’art pour que les différentes parties de moi-même se réunissent, et tout cela dans le jeu. C’est là qu’il se passe de belles choses, dans l’esprit du jeu. Prendre un objet, regarder quelqu’un, parler une langue imaginaire, si cela fait dans l’esprit du jeu, cela devient très intéressant, et passionnant. Faire de l’esprit du jeu un art et un métier, faire connaître cela, c’est l’intention qui anime ces stages.